mardi 8 mars 2016

Solo Tengo Una Sonrisa Y Espero Una De Vuelta



Il n'avait pas idée 
Il n'avait pas conscience
À quel point lui manquaient
Les terres de son enfance.

Personne ne peut, à moins de l'avoir subi, réaliser le vide qui s'emparait de son cœur. a chaque fois qu'il entendait parler espagnol, qu'il ouvrait un livre de Gabriel Garcia Marquez, ou qu'une fenêtre WhatsApp s'ouvrait sur une photo d'arepas envoyée par sa mère. Le manque est violent pour les exilés, et pourtant il aimait l'idée qu'il leur manquait. Ca lui donnait l'impression de ne pas être vraiment parti, de pouvoir revenir un jour, de pourquoi pas escalader une montagne nicaraguayenne et retrouver ses amis, ceux qui étaient encore là, ou sortis de prison, les serrer dans ses bras et dire qu'il était rentré. Il pourrait toujours se cacher un peu, passer du temps en famille et pourquoi pas retourner à l'université et s'exprimer non pas comme réfugié ni fugitif mais comme le combattant pour les droits de l’homme qu’il était devenu. 

La cordillère des Andes
Les cocottes en papier 
Le fumet de la viande
La confiture de lait.

Il n'avait pas idée
On dira inconscience
A quel point lui coutait
D’être bloqué en France.

Il est son pays, il est la résistance silencieuse, il est la rage, la tristesse, le deuil, la férocité et le regret combiné. Il est la Colombie, il veut tant être son pays. Le vent, les couleurs, la musique et les accents lui manquent. Il s’en souvient bien, mais chaque souvenir est teinté du rouge du sang qu’il a vu couler, là-bas, dans ce pays qui lui est cher, coulé par lui, pour lui, à cause de lui parfois. Comme tous les réfugiés, il est un super héros, mais doit vivre dans l’anonymat de la France, supporter d’être considéré comme un de ces étudiants Erasmus venu pour, entre autre, faire la fête et étudier dans l’insouciance. Supporter de redoubler de nouveau parce qu’il ne maîtrise pas l’art du subjonctif (si essentiel au métier d’avocat?). Supporter la si banale mais affreusement lourde question « Ah, quand est-ce que tu nous emmènes visiter ton pays? ». Son pays, pour lequel il a fait, et rêve de tant faire, dans lequel il a connu aussi bien les délices de l’amour, les joies de l’enfance, la fierté de l’accomplissement, mais aussi les tentations de la violence, la fascination de la drogue, la simplicité des règlements de compte. 

Rejoindre le pays, 
l’odeur de l’orchidée. 
Le temps n’a pas enfoui
El dulce de Leche. 

Il n’avait pas idée,
Mais c’est sans suffisance.
On ne peut qu’imaginer 
Les parcours de l’errance.

Et maintenant, il se construit. Il sait que toute construction passe par la destruction, alors il a fallu détruire une partie du passé, sans toutefois tout raser, parce que l’espoir de reconstruire, de repartir, de vivre de nouveau l’anime. Il l’anime tous les jours, l’incite à vivre, à s’enrager, à danser, à parler, à faire l’amour, à sourire, parce que finalement, c’est sa douceur, qu’on pourrait croire naïve, qui le rend invincible. Invincible aux injures, au mépris, aux menaces, au danger, aux conseils, aux autres. C’est sa douceur qui fait de lui le héros qu’il est aujourd’hui, survivant de la bêtise humaine et toute sa violence, richesse inéstimée de son pays d’accueil, au sein duquel il se bat chaque jour pour la liberté, celle des autres, comme condition à la sienne. 

Il faudra reprendre la route,
Devenir français coute que coute
Réfugié dans un tiroir 
On passe le temps, on garde espoir,
C’est ça être français? Sans doute.

Paris est une sorte de terrain de jeu maintenant qu'il y est en sécurité. Plus d'adrénaline, plus de danger. Ca en devient presque ennuyeux, presque trop facile pour y rester. De l'amour à revendre, dans la peau de l'étudiant en droit, des soirées de vodka, de bella ciao et de dessin à devenir ce que personne au pays n'aurait pu deviner. Caché dans un costume trop petit pour son ambition, il laisse à chacun le souvenir d'un sourire et continue de chercher un sens à tout ca. Il cherche à comprendre pourquoi aucune conversation ne l'emporte aussi loin que ses pensées. Pourquoi rien n'a de sens à part des combats. Pourquoi aucune femme n'a le goût de la passion. A ces simples souvenirs, comment empêcher les larmes? Il parvient, du moins je le suppose lorsque je le vois danser, lorsque je le vois séduire, lorsqu'il me prend la main et qu'assis a même le sol il me parle de son âme, de ce qu'il en fait et m'interroge: suis-je normal après tout ca? Non tu n'es pas normal, tu es extraordinaire. 

Comme il avait souri 
En parlant de la France
Il raconta sa vie
Ses années de silence.



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