Wow. 12 000.
Douze mille. Ca fait
beaucoup. Je ne sais pas si vous avez déjà organisé des soirée avec 12 000
personnes, ou des évènements, mais moi, ça me dépasse un peu. Ca me dépasse
parce que nous pouvons constater le pouvoir de tous. Une marche a dit un jour
« Pour tout changer, il faut tout le monde », et clairement, là, on a
du monde.
12 000, c’est le nombre
d’inscrits sur la plateforme CALM, le dispositif qu’on a lancé avec SINGA pour
permettre à qui le souhaite d’héberger une personne réfugiée chez soi. Et ça,
en un mois seulement. Alors entre les médias qu’il a fallu gérer, les fachos,
les critiques, souvent positives, parfois inadmissibles, les gentils qui ne
comprennent pas forcément tout, les complexes de Dieu, les journées de 20
heures, les personnes souhaitant adopter des enfants syriens… Entre tout ça, il
y’a ce qui domine et ce qu’il reste : le courage de ces propositions.
80.
Quatre-vingt. C’est le
nombre d’hébergements mis en place en un mois. C’est des témoignages poignants.
Je viens de parler à un
jeune homme. Honnêtement, au départ, quand il a été le 7ème à
s’inscrire sur CALM, je ne pensais pas que ce serait aussi simple. Arrivé à 18
ans en France et obtenant rapidement le statut de réfugié, il passe 9 ans dans
la rue. 9 ans, c’est putain de long dans la rue, on risque tellement, pour son
mental, pour sa vie… Il galère, entre le 115 et des personnes croisées. Et là,
il vit chez un couple de personnes retraitées, il apprend l’anglais, il a
trouvé un emploi. Il a un toit sur la tête pour la première fois depuis 9 ans.
Un autre jeune homme, que
je croise en formation, me dit « Merci ». Apparemment, il héberge un
homme qui est musicien. Ils jouent tout deux du même instrument, et ont fait
leur premier concert ce weekend.
Une dame nous envoie un
témoignage :
« Les Français ont du coeur et vous
en êtes le moteur vous marchez à l'énergie de l'amour pour votre prochain nous
sommes le bois qui alimente votre flamme afin que cette flamme ne s'éteigne pas
et qu'elle éclaire le coeur des gens ici bas ! »
Un autre :
« Pourquoi
témoigner, pourquoi écrire quelques mots sur une chose qui me parait finalement
tellement banale ?
Accueillir une personne qui a besoin de se poser,
de se reconstruire, d’apprendre et de s’insérer dans une nouvelle société c’est
simple, ça se fait avec naturel sans vraiment se poser de questions. Les
questions, les peurs et les angoisses font peu partie de mon monde. Je suis de
la génération Coluche, j’aime la vie, sourire, rire et prendre les choses à
légère mais quand il faut redevenir sérieux sur des vrais thèmes comme la
Fraternité et la compassion, je réponds présent. »
Même s’il est parfois
difficile de développer le lien :
« J’avais nettoyé
toute ma maison. Ca brillait. Nous avions passé le weekend à préparer son arrivée.
Mais en arrivant au foyer où nous devions le récupérer, nous l’avons vu, seul,
le regard fuyant, son sac plastique à la main. Il venait dans notre belle
maison, et il ne voyait pas ce que nous avions préparé pour lui. Cela ne lui importait
pas. Il ne voulait que se reposer, et son regard montrait bien que finalement,
la propreté et le luxe de ma maison, il n’en n’avait rien à foutre. Ses yeux
montraient une souffrance tellement forte que quelques draps propres n’auraient
jamais rien pu guérir. »
« Et avec le froid
qui arrive, pensez-vous que l’urgence soit plus pressante ? » Comment
pourrait-on répondre à cela ? L’urgence, la fameuse. En sortant d’un
rendez-vous avec le SAMU social, j’ai appris quelques trucs, notamment que les
décès sont plus forts en été qu’en hiver, car le froid suscite bien la pitié,
ce qui sauve des vies. Qu’il y’a 15 ans, il n’y avait pas de familles dans la
rue. Actuellement, 800 personnes n’ont pas accès à l’hébergement d’urgence en
Ile de France. Et enfin, que le misérabilisme n’est une solution pour personne.
Alors, on ouvre nos
portes ? On crée du vivre-en-chambre ? On s’y met tous un peu,
faisant fi des politiques, et oubliant la misère ? Parce qu’après tout,
proposer des draps, une douche, un repas, c’est pas si compliqué ? Après
tout, je fais partie des personnes qui cherchent en permanence plus de
relations, plus de contacts, plus de vitalité, entre les bars parisiens, et les
réseaux sociaux. Pourquoi ça ne démarrerait pas en bas de chez moi, au pas de
ma porte ?
Il y’a tant de personnes anonymes et de
volonté manifeste de changer le monde. Parce que, et c’est un bon mantra, notre
capacité à changer le monde est proportionnelle à notre capacité à créer du
lien. Et le lien, il est là, il existe, il ne demande qu’à s’étendre.
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