A la rentrée, beaucoup ont parlé des « migrants »,
des « réfugiés » avec les « invasions » en Hongrie, à nos
portes, toussa. Et puis il y’a eu LA PHOTO. Oui, un enfant d’à peine deux ans
face contre terre, mort sur une plage. Comme des milliers chaque jour dans le
monde. C’est vrai, grâce à cet enfant, beaucoup de citoyens se sont décidés à
s’impliquer pour améliorer un accueil trop dégradé et oublié.
Au bureau de Singa, nous avons reçu des milliers de proposition d'hébergement... On était très
excités. Imaginez ! Des centaines de messages enthousiasmant chaque
jour ! Des milliers de français prêts à contribuer, à rencontrer, à nous
rejoindre pour un impact global, un travail de fond, pour et avec des réfugiés
statutaires. On a passé la semaine à faire des interviews, gérer les mails,
répondre au téléphone.
On ? C’est qui on ? On, c’est des hommes et des
femmes passionnés, persuadés que le mot réfugié utilisé tel qu’il l’est
actuellement ne fait qu’accroitre les disparités sociales. Des gens de tous les
horizons et tous les pays qui veulent faire réaliser à tous que l’asile, c’est
un droit fondamental, un moment de reconstruction après la perte de tous ses
repères, et surtout un nouveau futur, l’opportunité de créer, de s’épanouir, de
se reconstuire.
On a appris à vous connaître et c’est devenu encore plus
difficile. En tant qu’entrepreneur, on a du se battre contre nos amis, parfois
notre famille, contre des trolls, des crétins ou des désinformés, mais jamais
contre les médias ! On a toujours couru après !
Et maintenant que j’en ai fait l’expérience, je réalise que
pour certains d’entre vous, vos questions sont répugnantes.
La première et la plus légendaire :
« Pourquoi êtes-vous réfugié ? »
Vous ne vous rendez pas compte de l’impact qu’une telle
question peut avoir sur votre interlocuteur ? Vous aimeriez que l’on vous
demande comment vous auriez ressenti l’amputation de vos testicules et d’avoir
vu votre agresseur les manger en face de vous ? Parce oui, c’est une
réalité. Une réalité vécue par certains réfugiés. D’autres ont passé 5 ans ou
plus en prison, néons à fond, ongles arrachés, et petit déjeuner à la
ratonnade. Imaginez une seconde, une toute petite seconde comment vous vous
sentiriez après avoir vécu tout ça ? Merdique ? Oui, ce serait
normal. Alors imaginez que vous arrivez à vous en sortir. Que vous recommenciez
petit à petit une nouvelle vie. Ca prend des années la reconstruction. Et au
bout de ces années, tout va bien, vous êtes enfin redevenu quelqu’un, et là, un
crétin à raie sur le côté vous demande caméra braquée sur vous de vous
justifier d’avoir l’honneur de bénéficier de son attention.
Vous réalisez un peu mieux ? Ca rentre ?
Alors au delà de tout ça, imaginons, vous n’avez pas vécu
tout cela, vous n’avez pas traversé l’enfer, vous vous êtes simplement senti en
danger dans votre propre pays, avez reçu des menaces, et vous préférez partir,
car vous savez que le danger est réel. Donc pas forcément un trauma grave. Vous
arrivez en France et pendant deux ans, vous attendez. Vous attendez, sans avoir
le droit de travailler. Vous passez devant des assistants sociaux, des agents
de la prefecture, des officiers de l’OFPRA, des juges de la CNDA, le personnel
de l’OFII… Et ENFIN, vous avez le droit d’asile, la France vous protège. Il
aura fallu des années de justification avant d’en arriver là, se justifier,
détail par détail, prouver que vous n’êtes pas un envahisseur, un islamiste, un
profiteur, un voleur, et continuer d’entendre à longueur de journée dans la
rue, les médias, les réseaux sociaux, que vous en êtes un… Et vous retrouver
face à ce même crétin à raie sur le côté qui insiste pour que vous le
rassuriez, lui et son public, que vous faites partie des « vrais »,
des « bons ».
Et encore, vous ne rassurerez jamais ceux qui refusent de
l’être.
Alors un conseil : quand vous questionnez un réfugié,
parlez-lui du futur. De sa nouvelle vie. Eventuellement de comment il parvient
à se reconstruire, sa capacité de résilience.
Autre question : « Qui êtes-vous ?
Qu’avez-vous fait dans votre pays? Quel est votre parcours ? »
Je ne sais pas si l’idée vous effleure l’esprit, mais les
réfugiés sont des personnes qui sont ENCORE en danger. S’ils sont partis, leur
famille ne l’est pas forcément. Elle aussi est en danger. Alors, peut-être
qu’un jour, enfin, vous respecterez cette intimité. Lorsque l’on vous demande
de conserver l’anonymat de quelqu’un, ce n’est pas juste modifier son prénom ou
son nom. C’est sa vie entière qui l’expose. Sa nationalité. Son métier. Cela
arrive, oui des réfugiés sont régulièrement assassinés. Par les services
secrets de leur pays d'origine, par des mercenaires, des fanatiques. Et il est
déjà arrivé que ces meurtres soient liés à l’inattention des journalistes. Et
en quelques jours seulement, certains ont été traumatisés par vos questions, et
préfèrent le silence, la rue, la solitude, par manque de confiance envers cette
société qui les juge.
Aidez-nous à montrer combien être réfugié, c’est être un
humain, un héros et ne vous laissez pas devenir un tortionnaire
supplémentaire.
PS : Ne ratez pas mon futur article sur « Conseils
aux trolls, racistes, nationalistes et éclaircissement sur pourquoi je suis une
« sale blanche traitre à la Nation »
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