N. habite loin de chez moi. Elle n’a pas
trente ans et n’est toujours pas mariée. Dans un pays où les femmes sont moins
considérées que des chaises, ça ne peut qu’augurer un futur sombre.
N. écrit beaucoup sur sa tablette. Elle met
souvent à jour son blog, et s’intéresse beaucoup aux mouvances féministes
européennes, communique régulièrement avec des auteurs et journalistes célèbres
en Occident pour leur lutte en faveur des Droits de l’Homme. Elle rêve de les
rejoindre, de boire du thé à leurs côtés, écrire, lire, au delà d’une simple
tablette, au moins un journal, si elle pouvait seulement s’attabler à un café
dans une rue parisienne.
Mais N. est séquestrée chez elle depuis sept
ans. Seule sa mère est au courant pour l’Ipad, et elle ne quitte jamais le
domicile familiale sans un « bodyguard », à même de la surveiller sur
le marché, dans la rue… Pas vraiment pour sa sécurité, mais plutôt pour qu’elle
ne puisse pas de nouveau tenter de s’échapper.
N. a essayé de fuir, dans un élan de courage,
ou de naïveté, il y’a sept ans. Depuis, surveillée et enfermée, sauf lorsqu’il
s’agit d’aller faire une course, et encore, jamais sans ses hommes de
compagnie, elle espère pouvoir un jour quitter ce pays dans lequel son
existence n’est pas considérée du fait de l’absence de phallus entre ses
jambes. Là bas, les femmes n’ont pas le droit de conduire une
voiture, ni de faire leur propres choix. Pour les décisions de vie, telles que
les voyages, les déplacement, le passage d’une frontière, les sorties… les
femmes saoudiennes doivent être accompagnées d’un tuteur mâle âgé de sept ans
minimum.
Intégralement voilées, les femmes ne se
déplacent que pour les corvées. Elles ne peuvent librement quitter leur pays,
leur ville, et doivent obéissance à leur famille. N. cherche une solution, et
pense venir en France, retrouver ses amis virtuels, qui lui promettent un toit
et un soutien pour une nouvelle vie. Malheureusement, elle doit trouver un
moyen de quitter son pays. La fuite ? Trop risquée… Les
faux-papiers ? Prison garantie. Il n’en reste qu’une : une lune de
miel. Occasion rêvée de fuir. Voyager à Paris, et profiter d’un moment
d’inattention d’un mari pour courir, vite, et ne plus jamais se retourner.
Courir vers la maison de ses amis, les rendre réels, vers une préfecture
retirer un dossier de demande d’asile, se cacher le temps que le dossier soit
instruit, la demande examinée, raconter son histoire devant un agent de
l’OFPRA, attendre une réponse et peut-être, au terme de mois de procédure,
peut-être obtenir la protection internationale.
On verra bien…