mercredi 9 avril 2014

“Sulu Ko niŋ I ye meŋ jee, I harijewo be Jee”

 Mandika: "Si on veut, on peut".

C’est l’histoire d’un mec. Ou plutôt c’est l’histoire d’une découverte. Un peu comme la serendipicité, quand on cherche quelque chose et que l’on trouve autre chose. C’est une asso qui débute, qui est encore bébé et qui rencontre ce mec. Ce mec, il est noir, anglophone, et il vient tout juste d’obtenir un statut de protection de la part de la France qui lui permet de vivre sans menace ni persécutions. On est en février 2013, il caille et trois jeunes naifs se sont mis en tête de changer le monde. Je fais partie de ces trois là. Je rencontre F.

F. suit des cours en tutorat, j’organise ces cours. Mais il ne progresse pas. Rien à faire, le cœur n’y est pas. Après quatre ou cinq cours, sa tutrice me dit qu’il n’est pas rigoureux, pas sérieux, n’apprend pas… F. est triste, il sent bien qu’il n’y arrive pas.  On lui demande, en anglais :

-       Pourquoi ça ne marche pas ?
-       J’ai eu un entretien ce matin avec Pôle Emploi. Ils m’ont proposé un travail de mise en rayon… Encore. Je ne parle bien assez bien français, et de toute façon en France, je ne pourrai jamais exercer mon métier, ce pour quoi j’ai étudié…
-       Et qu’as-tu étudié ?
-       Je suis diplômé d’Oxford en comptabilité. Dans mon pays, j’ai pris l’initiative d’organiser la construction de cliniques infantiles, pour combattre la culture vaudou qui incite les femmes à se priver de soins médicaux pour les accouchements, j’ai travaillé en partenariat avec l’UNICEF, et je travaillais aussi comme expert comptable de mon côté.

Et bam. Je comprends sa détresse. F. est seul, loin de sa famille, de ses repères, et professionnellement inutile. Il ne lui reste que ce cours de français où il peine à apprendre le passé composé.

« Si tu parles français, tu pourras passer des entretiens pour être comptable ici aussi. Si on te trouve un stage, tu penses que tu peux y arriver ?
-       Oui je vais tout faire pour.

Trois mois plus tard, il fait meilleur et F. est comptable. C’est difficile, les logiciels français ne sont pas les mêmes que les logiciels anglo-saxons, mais il est heureux. F. retrouve le sourire, il fait ce qu’il aime.  Et les trois jeunes naifs ont compris que c’est en révélant le potentiel et le talent des gens qu’ils vont s’épanouir, contribuer, collaborer et enrichir le monde. Il essayent.


Malgré la solitude, malgré les remarques racistes de ses collègues, malgré les drames qui ont pavé sa vie, à chaque fois que je vois F. il sourit. C’est déjà ça.